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7 mai 2013 2 07 /05 /mai /2013 08:30

Aujourd'hui, nous allons célébrer les 75 ans d'activité du plus célèbre des grooms : Spirou ! Choisie parmi la soixantaine d'albums de la série Spirou et Fantasio, notre bougie sera un épisode de la Mauvaise tête d'André Franquin. Sacré artiste de la bande dessinée par Hergé, Franquin aura signé, bon an mal an, la série Spirou durant deux décennies. Contrairement au reporter Tintin créé par Hergé, Franquin n'aura fait qu'accompagner un personnage aux aventures de commande. Passé sous les gommes et pinceaux successifs de maîtres de la bande dessinée franco-belge, le calot de Spirou a échappé à la muséification durant trois quarts de siècle. Il est resté aussi fringant qu'au premier jour, mais il est aussi resté la propriété de son éditeur.

Ce pacte faustien était inscrit à l'acte même de naissance du héros de papier. Spirou a été créé par le dessinateur Rob-Vel, autant dans les annales de l'histoire de la BD que dans la série elle-même. Paru en avril 1936, le premier épisode des aventures de Spirou représente sa naissance : un portrait peint par Rob-Vel, aspergé d'eau de vie et coupé sur mesure pour répondre à la demande du Moustic Hôtel (et l'animation du journal de Jean Dupuis). Loin d'être mis en bière, le jeune wallon roux n'y baignait donc pas à sa naissance. Par contre le monde dans lequel il évoluait était bien alcoolisé, ce qui était un ressort comique classique. A la fin de l'année 1940, Spirou se retrouvait (sous la plume de Davine*) dans le bar de la ville américaine de Pépiteville. Ayant tout juste quitté un village des inuits, Spirou est à la recherche de renseignements pour mettre un terme à son périple. Une bagarre de cowboys faisant rage, Spirou en est une victime collatérale, assommé net par un jet de bouteille. Petit gag qui fait écho à l'épisode de la Mauvaise tête à lequel nous allons maintenant nous intéresser. 

 

Spirou-Fantasio-Mauvaise-Tete-Franquin-1956.jpg

 

L'assommeur assommé

 

Succédant à Jijé, Franquin est aux commandes de Spirou et Fantasio de 1948 à 1969, période de créativité foisonnante qui insuffle son esprit à la série. André Franquin est en effet l'auteur des albums de référence de la série (le Repère de la murène en 1957, le Prisonnier du Bouddha en 1961...), de seconds rôles incontournables (le comte Pâcome de Champignac, Zorglub, Zantafio et autre Marsupilami), des plus belles inventions (le fantacoptère, la turbotraction...), sans oublier les couvertures les plus emblématiques ! L'album de la Mauvaise Tête (1956) en est l'exemple parfait. Le titre percutant, la face géante de Fantasio et l'air hagard de Spirou lui donnent une tournure particulièrement hitchockiennne (partiellement désamorcée par le sourire béat de Fantasio et les couleurs criardes).

L'atmosphère de cet épisode tient plus des enquêtes de Gil Jourdan (Maurice Tillieux) que des aventures de Spirou. Au passage qui nous intéresse, ce dernier est en train de s'aventurer chez le voisin de Fantasio, car le meilleur ami du groom est poursuivi par la police pour une affaire de vol de masque égyptien. Armé d'une bouteille de vin trouvé dans la masure, il est finalement assommé par cette même bouteille. Comme dans le choc pris en 1940, Spirou en est quitte pour un évanouissement prolongé. Une fois de plus, la bouteille tient bon et reste intacte. Elle ne sera pas débouchée pour fêter le réveil, Spirou lançant tel un boyscout : « aucune bouteille ne te fera plus cet effet... »

Loin d'être un chantre moralisateur, Franquin était tout simplement à l'aise avec les incursions de boissons alcoolisées dans ses bandes dessinées enfantines. Dans ce même épisode, le cousin Zantafio trinque à la santé d'un Fantasio emprisonné (à tort, bien sûr). Mais comme Zantafio est un méchant, il boit non seulement seul, mais en plus dans un verre à moutarde. Ce qui est bien le signe de son ignominie. Dans l'épisode des Hommes-bulles (1964), l'écureuil Spip a une phrase qui ne serait plus du tout de bon goût dans un album de jeunesse. Face à Spirou revenant bougon d'une plongée, il pense « l'eau ne lui fait pas l'humeur joyeuse, non ! Il devrait essayer le vin ! » C'était le temps où la loi Evin n'existait pas et durant laquelle les cowboys solitaires n'avaient pas à mâchonner une brindille.

 

 

Pour tous ceux souhaitant célébrer ce trois-quart de siècle, dans l'Atelier de Fournier vient de paraître (évidemment aux éditions Dupuis). Dans ce chouette album, Joub et Nicoby nous donnent l'occasion d'en savoir plus sur l'auteur du magistral album de l'Ankou (1977). La lecture de la série Spirou par... est également conseillé aux lecteurs de 7 à 77 ans (notamment les Géants pétrifiés de Fabien Velhmann et Yoann, le Journal d'un Ingénu d'Emile Bravo et Panique sur l'Atlantique de Lewis Trondheim et Fabrice Parme). 

 

 

 

* : à l'époque, Rob-Vel (de son vrai nom Robert Velter) était mobilisé dans l'armée belge. Son mari étant au front, c'est son épouse Davine (de son vrai nom Banche Dumoulin) qui a poursuivi les aventures de Spirou dans le journal du même nom.

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commentaires

E
<br /> "Il boit non seulement seul, mais en plus dans un verre à moutarde. Ce qui est bien le<br /> signe de son ignominie."<br /> <br /> <br /> Qu'est-ce que ça aurait été s'il avait bu dans un écocup ? <br />
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A
<br /> <br /> Avec un gobelet plastique il aurait au moins eu le bon goût d'un kalimotxo... ou d'un vin chaud ?<br /> <br /> <br /> <br />